RIEN DE CE QUI NE TOUCHE À RIEN NE M'EST TOTALEMENT ÉTRANGER
(Ignominies sans nom, digressions diverses, diatribes haineuses et toutes sortes d'excellentes raisons pour regretter d'avoir un jour appris à lire)

mercredi 16 décembre 2009

Humor de rire


Mon excellent et pondéralement surchargé ami Philippe Genion écrit un livre sur le(s) langage(s) belge(s) : "PARLER LE BELGE (et le comprendre, ce qui est moins simple)". Cet opuscule indispensable paraîtra au printemps prochain dans la collection "Point" chez Seuil.

Pas la peine de dire que cette bible est hautement recommandée et s'annonce déjà comme une date dans l'histoire de la Francophonie en général et du babelage et de la berdèlerie de l'étrange peuplade vivant au-delà de la rive nord du large, majestueux, tumultueux et indompté Quiévrain qui charrie à jamais les âmes de ceux qui ont tenté de le traverser pour faire carrière à Paris et ne sont jamais réapparus.

Ô combien de marins, combien de capitaines ? Combien de Jacques Brel, de Maurice Maeterlinck, de Félicien Rops, de Grand Jojo, de Geluck, de Tatayet ?

Morts ?! Tatayet aussi ? Ah c'est pour ça alors...

Bref, dans le cadre de l'ouvrage mentionné ci-dessus, celui qu'on surnomme entre nous : la Reine Mère, la Diva, Nanabozho lapin aux grandes oreilles ou grosse troûye (quand il a le dos tourné) m'a confraternellement consulté, avec d'autres docteurs ès-gaudriole, sur la quintessence de l'humour belge et sa différence fondamentale avec l'humour français.

Vaste question... à laquelle je ne suis pas du genre à me défiler. Moi, s'il y a des stupidités à dire et si elles sont bien méchantes, je réponds présent comme un seul homme. Oui, bon, d'accord... C'est somme tout logique mais néanmoins digne de mention, je trouve.

Car si cousinage il y a, c'est sans doute à le mode de Bretagne. Tout d'abord, de quels Belges parle-t-on ? Il y a déjà l'humour flamand et l'humour belge tel que le monde nous l'envie, c'est à dire francophone. Chaque communauté étant, bien sûr, intimement persuadée que l'autre est totalement dépourvue du moindre sens de l'humour. Il est vrai que généralement une plaisanterie du Nord du Pays fait autant d'effet au Sud que le réchauffement climatique à un varan du Nil. Tandis qu'une espièglerie sudiste passera au mieux pour une irritante démangeaison au Nord. Genre eczéma purulent si vous voyez ce que je veux dire.
Donc, nous ne parlerons pas de l'humour flamand mais nous n'en penserons pas moins.

De même, nous éviterons soigneusement - et avec un brin de lâcheté - les subtilités existant entre zwanze bruxelloise, esprit liégeois et sarcasme carolo. Le domaine d'investigation étant ainsi soigneusement délimité, nous pouvons procéder à notre impartiale, rigoureuse et extrêmement chiante étude, qui nous emmerde déjà au paroxysme de l'hébétude hagarde. Ah, science que n'accomplissons nous pas en ton nom...

Après examen attentif et minutieux , il ressort que l'humour belge se distingue principalement de l'humour français par son sens de la dérision, certes, mais aussi et surtout par une dimension férocement absurde qui le rapproche davantage de l'humour britannique. Les Monty Pythons étaient des stars en Belgique et passaient le dimanche en "prime time", avant même même que les Français n'aient eu le temps de prononcer "Angus Podgorny".

J'en veux pour preuve la réaction des deux peuplades sous revue à l'audition de cette fine mécanique de plaisanterie remarquablement rodée et parfaitement huilée. Donc,voici : "A Paris, un homme ivre mort est appuyé contre un réverbère lui servant de soutien contre l'adversité et la gravité terrestre réunies. Passe un gendarme qui le sermonne : Vous n'avez pas honte de vous mettre dans des états pareils ? Savez-vous que l'alcool tue X milliers de Français chaque année ? Et l'homme de répondre : M'en fous, je suis Belge ! ".

Salut, applaudissements, rappel, rideau... voilà, voilà ! Mais laissons le monde du showbiz, ses ors et ses lumières aveuglantes et traîtresses. Concentrons-nous un peu que diable ! Que constatons-nous ? Les dignes représentants élus de chaque peuple ont ri ! Il n'y a donc aucune différence, me direz-vous en vous levant de votre chaise l'air courroucé et en regardant vos montres, enragés que je vous aie fait perdre votre temps.
Rasseyez-vous, pauvres naïfs ! Enfants que vous êtes ! (grosse voix qui fait peur)

Intéressons-nous à la cause du phénomène. Pourquoi ont-ils ri ?
Le Français a ri de l'autre. "Ah ah, qu'ils sont cons, ces Belges !".
Mais alors pourquoi le Belge rit-il ? Masochisme exacerbé ? Pas seulement... Ce qui amuse le Belge dans la répartie de son compatriote putatif, c'est son caractère complètement hors propos, incongru, décalé et absurde. Oserions-nous dire "surréaliste" ?

Qui a dit ça ? Encore vous Magritte ? C'est très bien, mon petit !

"Magritte, fayot, le peuple aura ta peau !" se déchaîne le fond de la classe des ricaneurs, chahuteurs et perturbateurs mais le petit René n'en a cure, il sait qu'il est un génie, que son nom figurera en lettres d'or au Petit Larousse et qu'il aura peut être même un musée à son nom, tiens ! Et toc !

Voilà... QED ou CQFD, comme on dit vulgairement. Méditez là-dessus et n'oubliez pas le guide, s'il vous plaît ! Je vais passer parmi vous avec un chapeau, soyez généreux, c'est Noël, merde !
©Nihoul2009

mardi 8 décembre 2009

La civilisation du comptoir du commerce


Je suis affligé d’une compagne charmante, par ailleurs, mais, hélas, férue de ces innombrables talk shows qui nous empoisonnent la sieste en nous privant des Derricks digestifs qui charmaient nos après-midis somnolentes.
Elle adore repasser en regardant ce genre de niaiseries. Elle prétend que ça l’empêche de penser à cette tâche pourtant exaltante, qui lui revient de droit. D’ailleurs, si j’élève une quelconque objection, elle me fait aimablement remarquer que je n’ai qu’à le faire moi-même et que je pourrai alors regarder ce que je veux ! Un argument qui clôt généralement le débat !
Moi, j’appelle ça du chantage mais comme je suis pour la paix des ménages...
Diplomate dans l’âme que je suis. Je ferais passer Chamberlain pour Churchill et Daladier pour De Gaulle. Avec moi, Hitler aurait eu les Sudètes, la Bohême, la Moravie, la Hongrie et jusqu’au Kazakhstan, si ça avait pu nous éviter des ennuis.

En parlant d’ennui…. Revenons à nos moutons. Déjà, tout est dit dans l’intitulé : "talk show" ! Littéralement : "spectacle de bla bla". Ah, on ne peut pas dire qu’ils nous prennent en traître, ça non ! D’emblée, ils annoncent la couleur ! Ce n’est pas du Cecil B. DeMille, c’est du Cecil M. Débile ! A faire passer « Joséphine Ange Gardien » pour la course de char de Ben Hur ou faire ressembler une cascade de voitures de Navarro pour le passage de la Mer Rouge par Moïse et ses joyeux joggers Hébreux.

Tout ça parce que, de nos jours, il est de bon ton de faire semblant de s’intéresser à ses congénères. Attention, quand je dis s’intéresser… Uniquement dans une perspective regardant de haut en bas, bien sûr. Il faut reconnaître qu’un débat ayant pour thème « je suis riche, en parfaite santé, sans aucun problème et je vous emmerde ! » risque de ne pas passionner les immondes chacals à l’haleine chargée que nous sommes tous au plus profond de nous-mêmes. Enfin surtout vous, bien entendu… Moi, j’ai un sourire au goût sauvage et des petites brossettes pour passer entre, là où même le cure-dents n’arrive pas. Nananère !

Alors on assiste à un défilé ininterrompu de pauvres créatures se bousculant devant un animateur, l’air compassé, compatissant et concerné (ça fait beaucoup de cons déjà, je trouve…) pour raconter leur misérable existence, dont tout le monde se fout éperdument, en déblatérant le plus possible d’anecdotes atterrantes, truffées de détails sordides. Tellement que l’observateur le plus blasé ne peut s’empêcher de lever un sourcil interrogateur et dubitatif devant l’accumulation de malheurs, turpitudes, vexations, humiliations, calamités, catastrophes, perversités subies par une seule personne ou réunies dans un aussi petit corps frêle.

Parfois, le témoin, comme on l’appelle - témoin de quoi, je vous le demande ?- raconte à visage découvert la succulente infirmité dont il est frappé ou l’affolante dépravation dans laquelle il se vautre, à un auditoire subjugué et maintenu dans un état d’hébétude à coup de tranquillisant pour cheval ou alors, c’est pas possible !
A moins qu’on ne les lobotomise à la chaîne avant de les faire entre sur le plateau ?... Ou bien que la prod (on ne dit pas production, on dit prod !) ne vole des cadavres dans les morgues des hôpitaux et les empaille avant de les asseoir dans les gradins…

Mais le fin du fin, c’est lorsque le témoin vient raconter ses forfaitures, les traits habilement dissimulés derrière des lunettes noires, et coiffé d’une perruque de mannequin d’hypermarché ! Un déguisement qui le rend, bien sûr méconnaissable à l’œil le plus exercé, y compris celui de sa propre mère ! Pour autant, bien sûr qu’il ne témoigne pas dans le cadre d’une émission sur le thème : « Ma mère m’a jeté à la poubelle et a tiré la chasse quand j’avais deux jours » ou « Maman s’est crevé les yeux quand elle a appris que j’étais transsexuel le jour et expert-comptable la nuit ».

Non, le témoin masqué, ça fait sérieux, ça crédibilise. Vous pensez, c’est pas possible qu’on se déguise comme ça par plaisir ! Faut-il que ce type soit vraiment en danger pour accepter de porter ça ! Il doit au moins avoir la mafia albanaise aux trousses, sans ça, je comprends pas ! Et c’est encore meilleur si le témoin est filmé en ombre chinoise avec la voix passée au vocodeur comme dans un vieux clip de Telex ou des Buggles. Rappelez-vous… les années 80 ! Comme si Darth Vador avait avalé de l’hélium !

Pour renforcer l’aspect sérieux du truc, on fait venir un expert ou, mieux, une experte. De préférence, genre walkyrie joviale qui enfonce des portes ouvertes avec une voix de stentor et un enthousiasme qui confine à l’hystérie. Ou alors, une toute maigre qui chuchote, l’air sinistre, en fixant doctement l’objectif cyclopéen par-dessus ses lunettes.
En me relisant, je suis sûr qu'il y a une signification supra physique, para consciente et des implications oedipiennes là-dessous… Un parapraxis ou « freudian slip » comme disent les Anglo-saxons. Un slip sale, alors. Porté depuis de semaines. Chez nous, on préfère parler d’ « acte manqué », c'est plus propre et plus hypocrite. Ah, le subtil art de la litote, spécialité francophone ! « Va, je ne te hais point ! »… mal entendant, moins valide, technicien de surface, mal comprenant…
C’est politiquement correct, paraît-il… Ah !... Bon, moi, je veux bien mais : mal blanchi, mal baisée… aussi ?

Pendant ce temps, l’animateur opine du chef et branle d’icelui. Ponctuant servilement les interventions de la bavasseuse par des « Mmmh ! », bien sentis, tout en lançant des regards mouillés vers le témoin prêt à défaillir de bonheur devant l’attention qu’on lui porte. Enfin ! C’est pas trop tôt, merde ! Ciel je jouis !
Et pendant qu’on éponge la grosse flaque, l’animateur se mouche bruyamment en détournant pudiquement le regard… C’est trop d’émotions, voyez-vous… Et l’assistance applaudit à tout rompre sans trop savoir pourquoi. Ah si ! Peut-être à cause du grand type à queue de cheval (capillairement parlant, je veux dire !) qui brandit un panneau « APPLAUDISSEZ ! », puis un autre « PLUS FORT ! », et encore un « DEBOUT ! », suivi d’un « CA VA COMME CA ! » et enfin d’un «TAS DE VEAUX ! ». Mais ce dernier il le montre très vite, à la sauvette, façon "subliminal".
Et c’est là qu’on se prend à regretter une bonne série allemande ! Rendez-nous ; La clinique de la Forêt Noire, le Renard, Un cas pour deux ! Car aucune psychanalise n’a jamais remplacé le regard couperosé et inexpressif de Horst Tepper. Croyez-moi : Derrick vaut toutes les thérapies du monde ! Bon, c’est pas le tout de raconter des inepties mais les enfants vont revenir de l’école. Faudra que je consulte, moi…
©Nihoul2009