Elle adore repasser en regardant ce genre de niaiseries. Elle prétend que ça l’empêche de penser à cette tâche pourtant exaltante, qui lui revient de droit. D’ailleurs, si j’élève une quelconque objection, elle me fait aimablement remarquer que je n’ai qu’à le faire moi-même et que je pourrai alors regarder ce que je veux ! Un argument qui clôt généralement le débat !
Moi, j’appelle ça du chantage mais comme je suis pour la paix des ménages...
En parlant d’ennui…. Revenons à nos moutons. Déjà, tout est dit dans l’intitulé : "talk show" ! Littéralement : "spectacle de bla bla". Ah, on ne peut pas dire qu’ils nous prennent en traître, ça non ! D’emblée, ils annoncent la couleur ! Ce n’est pas du Cecil B. DeMille, c’est du Cecil M. Débile ! A faire passer « Joséphine Ange Gardien » pour la course de char de Ben Hur ou faire ressembler une cascade de voitures de Navarro pour le passage de la Mer Rouge par Moïse et ses joyeux joggers Hébreux.
Tout ça parce que, de nos jours, il est de bon ton de faire semblant de s’intéresser à ses congénères. Attention, quand je dis s’intéresser… Uniquement dans une perspective regardant de haut en bas, bien sûr. Il faut reconnaître qu’un débat ayant pour thème « je suis riche, en parfaite santé, sans aucun problème et je vous emmerde ! » risque de ne pas passionner les immondes chacals à l’haleine chargée que nous sommes tous au plus profond de nous-mêmes. Enfin surtout vous, bien entendu… Moi, j’ai un sourire au goût sauvage et des petites brossettes pour passer entre, là où même le cure-dents n’arrive pas. Nananère !
Alors on assiste à un défilé ininterrompu de pauvres créatures se bousculant devant un animateur, l’air compassé, compatissant et concerné (ça fait beaucoup de cons déjà, je trouve…) pour raconter leur misérable existence, dont tout le monde se fout éperdument, en déblatérant le plus possible d’anecdotes atterrantes, truffées de détails sordides. Tellement que l’observateur le plus blasé ne peut s’empêcher de lever un sourcil interrogateur et dubitatif devant l’accumulation de malheurs, turpitudes, vexations, humiliations, calamités, catastrophes, perversités subies par une seule personne ou réunies dans un aussi petit corps frêle.
Parfois, le témoin, comme on l’appelle - témoin de quoi, je vous le demande ?- raconte à visage découvert la succulente infirmité dont il est frappé ou l’affolante dépravation dans laquelle il se vautre, à un auditoire subjugué et maintenu dans un état d’hébétude à coup de tranquillisant pour cheval ou alors, c’est pas possible !
A moins qu’on ne les lobotomise à la chaîne avant de les faire entre sur le plateau ?... Ou bien que la prod (on ne dit pas production, on dit prod !) ne vole des cadavres dans les morgues des hôpitaux et les empaille avant de les asseoir dans les gradins…
Mais le fin du fin, c’est lorsque le témoin vient raconter ses forfaitures, les traits habilement dissimulés derrière des lunettes noires, et coiffé d’une perruque de mannequin d’hypermarché ! Un déguisement qui le rend, bien sûr méconnaissable à l’œil le plus exercé, y compris celui de sa propre mère ! Pour autant, bien sûr qu’il ne témoigne pas dans le cadre d’une émission sur le thème : « Ma mère m’a jeté à la poubelle et a tiré la chasse quand j’avais deux jours » ou « Maman s’est crevé les yeux quand elle a appris que j’étais transsexuel le jour et expert-comptable la nuit ».
Non, le témoin masqué, ça fait sérieux, ça crédibilise. Vous pensez, c’est pas possible qu’on se déguise comme ça par plaisir ! Faut-il que ce type soit vraiment en danger pour accepter de porter ça ! Il doit au moins avoir la mafia albanaise aux trousses, sans ça, je comprends pas ! Et c’est encore meilleur si le témoin est filmé en ombre chinoise avec la voix passée au vocodeur comme dans un vieux clip de Telex ou des Buggles. Rappelez-vous… les années 80 ! Comme si Darth Vador avait avalé de l’hélium !
Pour renforcer l’aspect sérieux du truc, on fait venir un expert ou, mieux, une experte. De préférence, genre walkyrie joviale qui enfonce des portes ouvertes avec une voix de stentor et un enthousiasme qui confine à l’hystérie. Ou alors, une toute maigre qui chuchote, l’air sinistre, en fixant doctement l’objectif cyclopéen par-dessus ses lunettes.
En me relisant, je suis sûr qu'il y a une signification supra physique, para consciente et des implications oedipiennes là-dessous… Un parapraxis ou « freudian slip » comme disent les Anglo-saxons. Un slip sale, alors. Porté depuis de semaines. Chez nous, on préfère parler d’ « acte manqué », c'est plus propre et plus hypocrite. Ah, le subtil art de la litote, spécialité francophone ! « Va, je ne te hais point ! »… mal entendant, moins valide, technicien de surface, mal comprenant…
C’est politiquement correct, paraît-il… Ah !... Bon, moi, je veux bien mais : mal blanchi, mal baisée… aussi ?
Pendant ce temps, l’animateur opine du chef et branle d’icelui. Ponctuant servilement les interventions de la bavasseuse par des « Mmmh ! », bien sentis, tout en lançant des regards mouillés vers le témoin prêt à défaillir de bonheur devant l’attention qu’on lui porte. Enfin ! C’est pas trop tôt, merde ! Ciel je jouis !
Et pendant qu’on éponge la grosse flaque, l’animateur se mouche bruyamment en détournant pudiquement le regard… C’est trop d’émotions, voyez-vous… Et l’assistance applaudit à tout rompre sans trop savoir pourquoi. Ah si ! Peut-être à cause du grand type à queue de cheval (capillairement parlant, je veux dire !) qui brandit un panneau « APPLAUDISSEZ ! », puis un autre « PLUS FORT ! », et encore un « DEBOUT ! », suivi d’un « CA VA COMME CA ! » et enfin d’un «TAS DE VEAUX ! ». Mais ce dernier il le montre très vite, à la sauvette, façon "subliminal".
2 commentaires:
Ha ha très drôle et tellement vrai !
Ma moitiée se laisse aussi absorber par ces bêtises. C'est en général le moment que je choisis pour battre en retraite et aller bouquiner dans un coin, au calme.
L'heure du repassage! C'est donc ça le secret!
Tu nages dans l'excellence,
Philippe. :)
Gio
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