RIEN DE CE QUI NE TOUCHE À RIEN NE M'EST TOTALEMENT ÉTRANGER
(Ignominies sans nom, digressions diverses, diatribes haineuses et toutes sortes d'excellentes raisons pour regretter d'avoir un jour appris à lire)

mercredi 25 juillet 2012

Olivier Vrignon, je t'aime d'amour pur.

C'est pas tous les jours que quelqu'un comprend exactement ce qu'on a voulu faire... Et surtout qu'il l'aime ! 
Rendons hommage à Olivier Vrignon...


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Ah oui, tant que tu y es, n'oublie pas non plus de commander le magnifique premier tome de Snuff (La Mélodie du Bonheur) ! Et puis les volumes 1 et 2 de Commando Torquemada, ainsi que l'intégrale (on ne sait jamais, ça peut toujours servir). Et aussi les deux Titine à Charleroi ! Et précommande La Dame Dragon (1 et 2) ! Et Indeh (Croisons les doigts !)...


Ethan a accepté, bon gré mal gré, de mener une enquête pour le compte d’Alejandro Gutierrez. Cet ancien magnat latino-américain souhaite venger la perte de sa fille, ignominieusement mise à mort dans un « snuff movie ». Ses investigations pour retrouver son unique piste, Paco Del Rio, lui valent surtout de se faire repérer par la police locale. Sauvé par Inès, une révolutionnaire qui veut également retrouver Del Rio, il s’engage dans une expédition à travers une jungle hostile contrôlée par des Amérindiens révoltés.

Pas facile d’évoquer Snuff tant l’objet se démarque des productions classiques. La lecture de cette série fait penser tout à la fois à San Antonio, Michel Audiard (en particulier Les Tontons Flingueurs) ou encore Tarantino. Pourquoi ces références ?
- Du polar ? Y en a !
- De l’aventure dans des jungles hostiles ? Y en a !
- De la violence ? Y en a !
- De l’humour ? Y en a !
- Du cynisme ? Y en a !
- Des répliques qui percutent ? Y en a !

C’est ce dernier point qui frappe immédiatement : la qualité, la force des dialogues. Certes, Philippe Nihoul n’utilise pas l’argot, mais ses joutes verbales sont tout aussi mordantes, percutantes, savoureuses et décalées que celles faisant un des points forts des oeuvres des auteurs précités.

L’autre point de comparaison se situe au niveau de l’intrigue même. Elle n’a finalement que peu d’importance, elle n’est qu’un prétexte. Ce qui présente de l'intérêt, ce n’est pas où vont les protagonistes, mais pourquoi et comment ils y vont. La structure de l’œuvre se bâtit autour de l’alternance de scènes violentes et d’autres plus calmes donnant lieu à des situations mêlant l’humour noir, l'absurde et la parodie.

La dernière analogie se situe au niveau des acteurs. Ils sont ! Ils occupent l’espace, ils sont au centre du récit. Dans ce second opus, l’apparition d’un personnage féminin particulièrement attrayant et qui va former un duo improbable avec Ethan, constitue un bon prétexte à des duels verbaux sur fond de romance impossible, avec des émotions à fleur de peau, entre sourires et larmes. Ismaël - l’ange gardien, le confesseur, l’ange de la vengeance, le pacificateur - moins visible que dans le tome précédent, mais dont les interventions gardent justesse et truculence, rappelle toujours autant Jules de Pulp Fiction. Le mystère autour de sa personne et de ses intentions va en s’épaississant. Si Ethan semble retrouver un certain goût à la vie, cette dernière est toujours aussi peu simple et fournit des tribulations plutôt jouissives.

L’enquête sur les « snuff movies » semble très loin pour le moment. Ce qui avait commencé comme une série noire bascule dans les « aventuriers de la jungle maudite », cependant Philippe Nihoul n’accumule pas tous ces genres, tous ces codes, pour en faire un inventaire. Il les triture, les malaxe, les éparpille (façon puzzle) pour mieux les recréer, les utiliser et leur rendre hommage.

Dans la gamme déjantée, le graphisme de Xavier Lemmens figure en bonne position. Sa ligne claire, anguleuse et dynamique propose des planches épurées, presque caricaturales. L’utilisation surprenante de la couleur, le travail sur les expressions et sur les ombres, créent une ambiance en parfaite adéquation avec l’esprit de l’épopée. Son dessin peut sans doute difficilement prétendre au qualificatif de « beau », dans le sens d’un visuel qui vous fait, à lui seul, acheter le livre. Il ne se livre pas aussi facilement, son efficacité, son originalité, ne s’offrant qu’à celui qui va prendre le temps de s’y plonger, qui fera l’effort de le comprendre, de le ressentir.

Les partis pris narratifs et visuels de Snuff en font une BD inclassable, ce qui, de nos jours, constitue certainement un handicap pour percer. Le chemin proposé au lecteur étant plutôt sinueux et touffu, certains se perdront en route. Compte tenu du talent déployé jusqu’ici par les deux compères, bousculant les habitudes et les références, il serait dommage de ne pas tenter l’excursion.
O. Vrignon


http://www.bdgest.com/chronique-5172-BD-Snuff-Dans-la-vallee-des-ombres.html

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